
La montre Première de Chanel prend du galon
Il y a des montres qui marquent une époque. D’autres qui l’ignorent souverainement. La Première de Chanel appartient à cette seconde catégorie. Apparue en 1987 dans un paysage horloger encore majoritairement masculin et terriblement conservateur, elle a choisi l’insolence tranquille du style plutôt que l’orthodoxie technique. Pas d’emprunt aux registres traditionnels, pas de compromis : un boîtier octogonal emprunté au bouchon du flacon N°5, un bracelet en chaîne entrelacée de cuir directement issu du sac matelassé. Une création enracinée dans l’ADN de la Maison
Trente-huit ans plus tard, la voilà qui revient, non pas nostalgique, mais conquérante. Première Galon c’est la variation tendue, sculptée, superbement assumée, qui puise dans une autre pièce maîtresse de son vocabulaire couture : le galon. Ce ruban tressé que Gabrielle Chanel appliquait avec rigueur architecturale sur ses tailleurs, pour orner les poches et les poignets et structurer ainsi la silhouette. Reprenant les couleurs du tailleur, ou contrasté pour un effet graphique, le galon de couture est réalisé dans une grande variété de matières et de techniques (tricoté, tissé, torsadé).
Ici, il devient volume. Matière. Mouvement. Le bracelet se fait jonc, rigide mais sensuel, en or jaune 18 carats torsadé comme une corde baroque. Il enlace un cadran noir laqué, sans index, sans chiffre, sans autre indication que celle du goût.
La montre ne donne pas seulement l’heure : elle donne le ton. Et comme chez Chanel, le galon n’est jamais univoque, la Première Galon se décline aussi en versions précieuses, serties de diamants, comme autant d’échos aux multiples variations du tailleur emblématique.
Est-ce encore une montre ? Est-ce déjà un bijou ? La question est mal posée. La Première n’a jamais cherché à cocher les cases de l’horlogerie suisse traditionnelle. Elle préfère tracer son propre sillon au besoin, à contre-courant. Son mouvement à quartz ? Parfaitement assumé. Parce qu’ici, ce n’est pas la performance chronométrique qui compte, mais l’intention stylistique, l’audace formelle, la cohérence avec un patrimoine maison transformé en langage contemporain.
Chanel ne fait pas de montres pour « féminiser » l’horlogerie. Elle fait des montres qui parlent aux femmes, depuis leur monde, leurs références, leur histoire. Et cela, c’est autrement plus radical.





