L’engagement des marques de luxe face à la crise sanitaire
Par Agathe Dementhon, docteur en sciences de gestion et professeure-chercheure à l’EIML Paris
Le luxe ne s’est jamais montré aussi engagé pour des causes sociales et environnementales qu’en 2019. Le Fashion Pact passé entre le Président de la République Française et le groupe Kering est un signal fort de cette nouvelle voie dans laquelle s’engouffrent à tour de rôle les grandes maisons. La fulgurante ascension de la marque Courbet, ayant réussi l’impossible : vendre Place Vendôme du diamant de synthèse, interpelle. La conviction de François Henri Pinault selon laquelle « luxe et développement durable ne font qu’un » semble être partagée par d’autres, comme Chanel qui a officiellement annoncé l’abandon de la fourrure et des peaux exotiques.
Quelque chose a bel et bien changé dans le secteur du luxe
Depuis que le luxe s’est démocratisé, éthique et responsabilité sociale et environnementale ne font pas partie du vocabulaire courant du secteur. Face à la montée en puissance tous azimuts de ces sujets, le luxe doit pourtant se rendre à l’évidence, il n’est plus possible d’enfouir sa tête dans le sable. Nous n’avons jamais autant parlé de production éthique, de protection de l’environnement, de respect des animaux et de l’être humain.
Retour à la nature, décroissance, zéro déchet, impact environnemental et social dessinent ainsi les contours des nouvelles tendances de consommation du luxe. De nouvelles façons d’appréhender ce secteur le touchent en plein cœur et l’obligent à réagir. Parfois même à sur-ré-agir, pour tenter de contrebalancer les sévères attaques auxquelles il est confronté. Les stratèges, les marketeurs et les communicants des grandes maisons comme des plus petites s’emparent désormais de ces thèmes, à bras le corps. Les uns et les autres l’ont bien compris, la désirabilité des marques de luxe passe aujourd’hui en partie par la prise de conscience de la dégradation de notre écosystème terrien.
Dans ce contexte, comment devenir responsable et continuer à croître ? Comment faire rimer production éthique avec rentabilité ? Comment rester désirable et répondre à cette nouvelle vision de la consommation ? Entre engagement social, éthique et environnemental et engagement des consommateurs envers les marques de luxe, il n’y a qu’un pas, que la période de crise du Covid-19 pourrait bien transformer en pas de géant.
Le Covid-19 et après ?
Les périodes de crise ont souvent entraîné la radicalisation des positions existantes. La marche vers l’engagement socio et éco responsable que les marques de luxe ont entamée depuis déjà plusieurs années va-t-elle s’accélérer après la crise sanitaire mondiale que nous vivons ?
Il y a un an, au sommet de Copenhague, nous observions déjà une mobilisation toute particulière des grands groupes de luxe mais aussi de certaines marques indépendantes, en termes de RSE. La crise du Covid-19 confirme cette réelle volonté de participer à l’effort collectif de construction d’un monde meilleur, tourné vers davantage d’éthique et soucieux de protéger la planète et son écosystème, à l’image du groupe LVMH qui s’est mis à produire du gel hydroalcoolique, pour palier à la pénurie en France. Certes, les consommateurs du luxe attendent de plus en plus que les marques agissent au-delà de leurs fondamentaux d’origine, fabriquer et vendre des produits de qualité irréprochable.
Il semble aujourd’hui qu’une marque de luxe qui ne s’empare pas des sujets liés à l’éthique, l’éco- responsabilité et l’engagement social risque de perdre son aura, notamment auprès des jeunes générations.
Ces nouvelles attentes bousculent l’industrie du luxe, au risque de mettre en danger l’équilibre de départ. Pourtant, les consommateurs, aussi exigeants soient-ils envers le secteur, ne se montrent pas toujours très cohérents à travers leurs actes d’achat, pas toujours en phase avec leurs convictions lors de leur consommation de luxe.