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Un café avec Thomas Mondo, Creative Planneur

Thomas Mondo est un ami. Un Bel Ami. Comme le nom qu’il a donné à son agence de stratégie & création pour les marques de luxe. Lui, qui les a toujours accompagnés depuis maintenant 16 ans. Aider à rester fidèles à leurs valeurs mais aussi emmener vers d’autres essentiels et les aider à faire bouger les lignes et faire évoluer les mœurs. Thomas a été présent à chaque étape de Revel des prémices jusqu’à la mise en ligne. Et puisqu’il a toujours été un visionnaire du secteur j’avais envie de lui poser quelques questions sur l’évolution de nos métiers. Conversation entre 2 amis…

1. Nous en avons souvent parlé. Toi côté créa et moi côté presse. Quelle analyse fais-tu des changements de paradigmes dans nos métiers respectifs ?

Oh là il y en a tellement eu !!! 

C’est une banalité de dire que le digital a transformé les métiers de la communication et des medias, mais moi j’irai plus loin en affirmant que le DIGITAL est une révolution tout aussi importante que la révolution industrielle… La vie sans Google, Instagram, Whatsapp / Wechat, Zoom, Uber, Netflix ou encore Amazon est-elle encore possible ?

I-N-C-L-U-S-I-V-I-T-E, un mot qui a tout changé ! Si je peux me permettre un petit clin d’œil, on est passé du Noir & Blanc à un monde en 8K couleur. En ce début de 21e siècle, les différences de races, de couleurs, de genres semblent enfin être acceptées.

2. Les réseaux sociaux ont totalement redistribué les cartes en redéfinissant les règles du JE. Culture du vide pour certains, tribune essentielle pour d’autres, il n’en demeure pas moins que le secteur se questionne sur l’âge d’or d’Instagram. On parle même de déclin voire pire de ringardisation, suite à la suppression du compte officiel de Bottega Veneta. Selon toi, la mode peut-elle se passer des réseaux sociaux ? Si oui, par quoi sera-t-il remplacé ?

La Mode ne peut absolument pas se passer des réseaux sociaux, car ils sont le moyen le plus évident et le moins coûteux pour toucher le maximum d’audience.

A partir du moment où la Mode et le Luxe sont devenues des industries, elles ont cédé au culte de la rentabilité et du ROI…Et seuls les réseaux sociaux permettent aujourd’hui d’associer CREATIVITE et RATIONALISATION DES INVESTISSEMENTS…

Bottega Venetta a fait un super coup en PR avec son changement de Stratégie Social Media. Non la marque n’a plus de compte officiel, mais elle va promouvoir les comptes non officiels de célébrités et de fans de la marque…C’est de la pure stratégie UGC (User Generated Content) : ça ne coûte rien en termes de création de contenus, tout en générant un engagement plus fort.

Donc pas si Social Media Detox que ça ! On est quand même loin de l’approche jusqu’au boutiste d’une Phoebe Philo chez Céline (Refus du E-commerce à l’époque).

 

3. La presse papier retrouvera-t-elle sa place au cœur de la stratégie de communication des griffes ?

Je l’espère, je le souhaite ! Le problème c’est que les marques sont rentrées dans une dimension ROIste « digitale »  de leur plan media. Tendance renforcée par la crise pandémique ! Avec le digital, les marques ont toutes les datas sur leurs campagnes et peuvent piloter pratiquement en temps réel leurs stratégies, là où avec le papier l’interactivité et la réactivité ne sont pas les mêmes… Et n’oublions pas aussi les changements sociologiques : il faut reconnaître que les nouvelles générations sont moins papier et plus smartphones.

J’ai eu la chance en plus de mon métier de Planneur Stratégique chez Publicis,   de faire partie de la 1ère génération d’Influenceurs,  ce qu’on appelait alors les blogueurs avec DARKPLANNEUR, de 2005-2017. J’ai donc pu observer le changement de paradigme à la fois dans les stratégies media en tant que publicitaire, et le renversement du pouvoir « Journaliste – Influencer » en tant que blogueur. La violence de certaines grandes rédactrices à l’arrivée des blogueuses à leurs places en front-row était digne de la tectonique des plaques… Prions que Loïc Prigent y consacre un jour un documentaire, ça vaudra le retour !!!

La presse papier n’est pas morte! Il faut arrêter avec ces grandes tendances et autres études qui clouent au pilori la presse papier. Elle a un rôle : sa temporalité et sa fonction n’est pas celle du digital. La presse papier est un écrin qui doit permettre d’être plus créatif, de développer des messages plus percutants / pédagogiques.

L’attention au message n’est pas la même que l’on soit sur son écran de smartphone, ou devant son magazine… Regardez donc les études sur la chute du niveau de concentration des élèves. Le papier vit, se matine, vieillit… il a une odeur, et peut être associé à un moment, un souvenir ou une émotion. La presse papier c’est le temps long, des articles plus travaillés et des enquêtes approfondies…Là où le digital va naturellement être plus court-termiste et rechercher la phrase Buzz et le sensationnel pour générer du Click et donc augmenter le ROI.

En tout cas chez Bel-Ami, on croit  encore à la force de la presse papier dans nos stratégies de communication notamment pour des partenariats éditoriaux…Tout ne doit pas être qu’algorithme !

4. Quel titre reste encore audacieux selon toi ? Et pourquoi

Il y en a plein !!!!

  • Pour la force éditoriale : le New-York Times, le New-Yorker, le Washington Post, le Vogue UK, le Vogue Middle East, I-D, System Magazine, et un français tout de même avec Stylist !!!
  • Pour la Maquette / DA : Le Vogue Italia (Enorme !!!!), Purple , Self-Service, Sorbet
  • Pour le Prix : Citizen K, à 1 euro l’issue , il faut avouer qu’il est imbattable le Kappauf. 

 

5. Un D.A qui a tout compris ?

J’ai envie d’en citer 2 !!

Impossible de ne pas parler de Fabien Baron qui a longtemps officié pour le Harper’s Bazaar, tout en continuant à créer des campagnes pour Dior, Margiela, Calvin Klein, Louis Vuitton, Zegna , etc…

Et en ce moment, il faut aussi célébrer le maestro Fedinando Verderi pour le travail incroyable accompli en si peu de temps avec le Vogue Italia, et Prada.

 

6. Les campagnes c’est l’art dans lequel tu excelles. Peux-tu nous citer la dernière campagne qui a le plus marqué ton esprit ?

La campagne Dior Homme printemps-été 2021!!!! Quelle claque chromatique cette rencontre entre l’univers de Kim Jones et l’artiste ghanéen Amoako Boafo…L’incarnation absolue de ce que j’appele le ‘Black Luxury’ (un Luxe plus inclusif et universel VS  le Luxe WASP, canal historique.

Les campagnes Prada depuis 2019 (gros coup de cœur pour la campagne avec les fleuristes Resort 2020)

La campagne Zegna 2020 sur la réinvention de la masculinité contemporaine

Les campagnes coups de poing Savage Fenty, une nouvelle vision de la féminité. 

 

7. Dans le monde du luxe, penses-tu qu’il soit possible d’aller à contre-courant sans pour autant se marginaliser ? 

C’est vital d’aller à contre-courant et de creuser son sillon ! C’est là toute la différence entre le Luxe et la Mode. La mode va avec le courant, les tendances, et l’air du temps…Là où le luxe se doit d’être durabilité et singularité.

8. Cette démocratisation du luxe notamment par la génération Z, discrédite-t-elle l’image d’une marque. Car en vérité le luxe aime entretenir cette notion de rareté. Et par définition ce qui est rare n’est pas donné à tout le monde…

Elle ne discrédite en rien son image tant que les fondamentaux de la marque ne sont pas dévoyés. Bien sûr que la rareté est dans l’ADN d’une maison de Luxe. Mais tout est une question d’équilibre entre le Désir créé et la Capacité d’accès à l’objet.

2 marques / exemples :

Audemars-Piguet a depuis 2 ans annoncé l’arrêt de sa collaboration avec ses distributeurs historiques. Du coup, la cote de la Royal Oak son modèle iconique, ne cesse de flamber. Deux ans d’attente maintenant pour recevoir son garde-temps avec une inflation de + 15% tous les ans… la demande n’a jamais été aussi haute.

A l’inverse, Hermès a arrêté sa waiting-list pour le Birkin, sans pour autant que cela ne nuise à la désirabilité de cette icône du 24 faubourg.

Donc rien n’est immuable, il s’agit pour chaque maison de bien travailler ses parti-pris stratégiques.

9. Une Révélation sur tes prochains projets ?

En 2013, mon papa nous quittait.

En 2016, j’étais commissaire de l’exposition « Swinging Bamako » aux Rencontres Photographiques d’Arles, la dernière exposition ante mortem du photographe malien Malick Sidibé.

En 2019, je présentais l’essor du « Black Luxury » au Salon du Luxe, en expliquant notamment la stratégie poursuivie par Jay Z avec Fenty et Armand de Brignac…2 ans plus tard les deals avec L Catterton (Savage Fenty, Fenty Beauty), et Moët-Hennessy (Armand de Brignac) valident cette vision…L’industrie du Luxe et de la Mode a déjà amorcé sa mue, bien conscientes que l’avenir n’est pas dans le conservatisme et l’approche WASP !

Ces 3 dates sont interconnectées, elles marquent mon évolution en tant qu’homme, en tant que père et en tant que communicant.

L’Afrique mérite tellement mieux, c’est le continent mère de l’humanité, c’est le continent où je suis né… Et il est temps de l’aider, de célébrer sa créativité, de révéler ses talents. L’Afrique anglophone a pris de l’avance en actant son rapprochement avec les USA (Ghana, Liberia, Nigeria), et l’Afrique francophone alors ?!  Il est temps…

10. Qui nomines-tu pour la prochaine interview et quelle question souhaites-tu, par mon intermédiaire, lui poser ?

Ahahahah bon je vais te faire plaisir, ça prendra le temps, mais elle répondra positivement j’espère : je nomine Emmanuelle Alt, rédactrice en chef de Vogue Paris, avec cette question : « Chère Emmanuelle, à quand un Vogue Paris du 21e siècle ? »

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